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Têtes raides Christian Olivier naît le 24 avril 1964 à Bamako, au Mali, qu'il quitte à 8 ans; les atmosphères africaines ne cesseront d'influencer son univers créatif. Il se passionne pour la musique et le graphisme dès l'adolescence, et fréquentera lâécole Estienne. En 1984, avec Grégoire Simon (Iso) au sax, connu quelques années plus tôt sur les bancs de lâécole, son frère Cali à la basse et Marc Legratiet (Ciccio) à la batterie, il fonde le groupe Red Ted à Port-Leucate. Ils ont tous un âge compris entre 17 et 20 ans et font leurs premiers concerts sur les terrasses des cafés et dans les campings de la station balnéaire en jouant les chansons des Clash, des Rolling Stones, de Chuck Berry ou d'Eddy Cochran… Cette même année, Christian Olivier forme le collectif dâarts graphiques Les Chats Pelés avec trois étudiants qui fréquentent tout comme lui lâécole Estienne: Lionel Le Néouanic, Benoît Morel (futur chanteur de La Tordue) et Yuri Molotov, qui mourra prématurément (la chanson Fuckingham Palace dans Mange tes morts est la sienne). Durant ces années,
ils vivent de petits boulots et investissent leurs gains dans lâacquisition
de nouveaux instruments et dâune camionnette qui leur permettra
de vagabonder en France en se produisant dans les bistrots, dans les fêtes
de quartier et dans la rue. En 1987, Red Ted devient Têtes Raides (avec Pierre Alu à la batterie) et Philippe Guaraccino (dit Pépo) à la guitare; ils commencent à travailler sur leur premier 45 tours, et continuent leurs exhibitions en province. Parmi les locaux fréquentés, le bar Chez Moustache à Vigneux occupe un rôle important dans lâhistoire du groupe. C'est un local entre hôtel-pension et café fréquenté par des personnes hétérogènes et hautes en couleurs, qui invitera Têtes Raides en concert jusquâen 1990. En 1988, le 45 tours autoproduit "Câest quoi?" sort dans les bacs à mille exemplaires, avec deux chansons signées Red Ted et deux signées Têtes Raides, parmi lesquelles "Emily, elle", reprise dans lâalbum "Les oiseaux" en 1992.
La pochette de lâalbum
est, comme le seront les suivantes, illustrée par Les Chats Pelés.
En novembre de la même année, le groupe se produit au Sentier
des Halles de Paris. Les concerts de Têtes Raides sont déjà
un mélange de musique et de théâtre, avec Les Chats
Pelés qui dessinent les scénographies et qui signent les
animations projetées pendant les spectacles. Dans la salle, parmi
le public du Sentier des Halles, il y a Francis Kertekian, fondateur du
label indépendant Justâin, qui dira par la suite: "Même
si la musique était loin dâêtre parfaite, ce qui mâa
vraiment touché câétait ce comportement, ce mode dâêtre,
ce discours différent qui mettait avant tout Têtes Raides
sur une sorte dâarchipel, sur un monde à part, qui devait
exister pour moi. On voyait déjà cette alchimie entre musique,
texte, graphiques et scène qui me donnait envie dâadhérer
et de partager leur projet". Pendant les premiers mois de 1989, Têtes Raides sort son premier album autoproduit "Not Dead But bien raides", enregistré dans la cave de Grégoire, avec Pierre Gauthé, dit Pierrot ou Kropol, à la console.
Câest lâIp
"Not dead but bien raides" (appelé également
La galette en carton) qui sera distribuée par le label Justâin.
Le graphisme de ce disque est réalisé (et cela sera désormais
le cas pour chacun des albums) par Les Chats Pelés. Le soin apporté
à l'esthétique des albums sera un trait distinctif et très
important de la production de Têtes Raides, à tel point que
le coût de la pochette de cette galette en carton représentera
2/3 de son coût final. La musique mélange rock et punk à
la chanson dâauteur, à la chanson "réaliste",
avec des renvois aux Pogues, aux Clash; les textes irrévérencieux
et pétris dâironie sont écrits en français
ou en anglais. En outre, il y a une première version de Ginette,
"la chanson-affiche" qui pour beaucoup représente lâhistoire
et lâunivers créatif de Têtes Raides. Le groupe est alors composé de Christian, Cali, Grégoire, Pierre Alu, Pépo à la guitare électrique et Pierrot à la trompette. Au cours de ces années, ce dernier quittera de temps en temps le groupe pour revenir régulièrement. Benoît Morel des Chats Pelés et chanteur de La Tordue signe quelques chansons du disque. En juin de la même année, le groupe enregistre les quatre chansons de La galette molle dans un petit studio à Bagnolet. Le 45 tours, réalisé sur un support flexible, était destiné à accompagner le journal Libération le jour de la Fête de la Musique, mais le projet tomba à lâeau et La galette molle sera publiée à 500 exemplaires seulement deux années plus tard, en 1991. En 1989, Têtes Raides joue au Printemps de Bourges et prépare son second album, "Mange tes morts", qui verra le jour seulement en 1991 chez FNAC Music; le label indépendant Justâin de Francis Kertekian, qui devait initialement produire le disque, fait en effet faillite 15 jours après la signature du contrat avec Têtes Raides. La FNAC Music elle-même aura une vie éphémère et lâalbum sera republié six ans après par le label Mantra.
Jean-Luc Millot était
jusqu'alors compositeur, chanteur et batteur du groupe Les Parasites,
fondé par deux amis en 1988, après être passé
dans dâautres formations, comme les Waka Waka où Pierre Gauthé
était également présent.
En automne, ils jouent pendant un mois à Paris au Théâtre des Déchargeurs, proposant les chansons du nouveau disque Les Oiseaux, à peine enregistré. Parmi les personnes
qui assistent aux concerts, il y a Vincent Frèrebeau de la Warner
Music et futur responsable du label Tôt ou Tard. En avril 1992,
ils signent un contrat avec la Warner et ils sortent finalement leur nouvel
album. Cette année marque aussi lâarrivée de Anne-Gaëlle
Bisquay (venant du classique, elle a assisté au premier concert
de Têtes Raides au New Moon) au violoncelle, qui apporte, avec Serge
Bégout, un changement du style musical et du travail de composition
en plus dâun passage à un nouveau son: les arrangements deviennent
plus acoustiques, la musique devient plus proche de la chanson dâauteur.
Les rythmes ska et rock des albums précédents reviennent
néanmoins dans certains morceaux. La même année, l'album "Fleur de Yeux" est en cours de préparation. Il sort le 15 octobre 1993 et sera présenté avec une semaine de concerts dans la salle dâart et dâessai de lâEntrepôt de Paris, puis dans le reste de la France.
Les morceaux qui le
composent sont présentés avec la projection dâun film
réalisé par Fred Chapotat, au cours duquel alternent interviews,
extraits de concerts et animations. Son succès conduit Têtes Raides à faire des concerts dans les plus grandes salles parisiennes: en avril au Théâtre Trévise et en décembre au Casino de Paris. Si la musique, les textes et les performances scéniques séduisent de plus en plus, les ventes des disques ne permettent pas aux membres du groupe de se maintenir avec le seul fruit de leur travail créatif. De 7 musiciens, le groupe passe à 14 personnes en tournée, et ils traversent tous une période économiquement difficile jusquâau début des années 90. Câest seulement avec la sortie du "Bout du Toit" que Têtes Raides commence à se construire une certaine indépendance économique. Lâalbum, surtout acoustique, est enregistré en juin 1995 et sort dans les bacs lâannée dâaprès.
La chanson dâouverture, St Vincent, est une dédicace à Georges Brassens, et le disque marque le début de la collaboration avec lâaccordéoniste de Jacques Brel, Jean Corti. Comme dans Fleur de Yeux, et tous les albums successifs, Têtes Raides choisit de mettre en musique un texte poétique, et pour Le Bout du Toit une poésie de Robert Desnos (Lâamour tombe des nues). Les autres textes de lâalbum sont comme toujours écrits par Christian Olivier. Le 21 mai de la même année, Têtes Raides fait un concert avec Jean Corti à lâOlympia, proposant la une reprise des Vieux de Jacques Brel, chanson qui sera enregistrée en studio en 1998 pour la compilation Aux Suivants. Entre le 3 et le 7 décembre, cinq soirées-concerts ont lieu au Trianon à Paris. Les concerts sont précédés par la projection du film dâanimation de 26 minutes Chauffe, réalisé en 1995 après 8 mois de travail, par Pierre Cognon, Christian Olivier, Antoine Ruis, Stéphane Chassignole et pour lequel le groupe a réalisé la colonne sonore. Des parties du film contribueront au clip de Viens ! sorti au cours de l'année tandis que les enregistrements des 5 concerts constitueront le matériel pour le premier album live des Têtes Raides : "Viens !" qui sortira dans les bacs en 1997 chez Tôt ou Tard.
La tournée du Bout du Toit marque aussi le remplacement temporaire de Anne-Gaëlle par Dominique. Entre juillet 1997
et janvier 1998, le groupe enregistre lâalbum "Chamboultou",
dans les bacs en avril 1998 ; il rencontre un large succès et sera
récompensé par un disque dâor.
Lâalbum marque lâarrivée dâEdith Bégout, la sœur de Serge, au piano et à la trompette, en remplacement de Scott Taylor. Edith, diplômée de lâEcole parisienne des arts appliqués, a suivi des cours de piano pendant son adolescence et se consacrera désormais entièrement à la musique. En 1985, elle faisait partie de la Fanfare des Beaux-Arts avec laquelle elle jouait du tuba dans les bistrots dans le quartier de lâOdéon. Avant de débarquer au sein de Têtes Raides, elle avait également fait partie du groupe féminin Les Zarmazones qui mélangeait les sonorités reggae et rock. Les textes du disque sont plus surréalistes que les précédents ; on y retrouve Le cœur a sa mémoire (dédiée aux victimes des camps de concentration nazis) de Mauricette Leibovitch, sœur du musicien français Francis Lemarque, et la chanson Dans la gueule du Loup de lâécrivain algérien Kateb Yacine. Cette dernière est dédiée au massacre par la police des manifestants algériens du 17 octobre 1961. En 1998, le label Tôt ou Tard ressort en digipack les disques du groupe depuis Not dead but bien raides. Les ventes dépasseront dans lâensemble le million de copies. Durant cette période, Têtes Raides donne entre 100 et 150 concerts par an et participe aux grands festivals comme le Printemps de Bourges ou les Francofolies de la Rochelle. Du 11 janvier au 22 février 1999, ils donnent des concerts dans une salle du Barbès populaire : Le Lavoir Moderne Parisien avec le spectacle NON. Ce sont des soirées-concerts durant lesquelles le groupe fait des performances où alternent musique, jeux théâtraux, recettes de cuisine et poésie, et où l'on retrouve les créations de Fantôme (Francis Terrade), light designer de Têtes Raides depuis les débuts. Pour lâoccasion, Têtes Raides se produit sans micro, en version acoustique, entre projections dâun film dâanimation en noir et blanc des Chats Pelés et des lectures de Rimbaud, Camus, Virgile, ... Le livre "NON" (Silène Editeur, 1999), composé de dessins de Christian Olivier, de textes, de photos de Fred Chapotat et d'un cd de 15 minutes de spectacle est publié la même année, sans le texte dâAlbert Camus : Peut-on parler de lâaction terroriste sans y prendre part ? (extrait des Justes) pour des problèmes de droit dâauteur. La même année, Têtes Raides prend part à lâalbum live de Yann Tiersen, Black Session, avec la chanson La Noyée et une nouvelle version de Ginette, qui fera également partie de lâalbum de collection 10 ans de Têtes Raides (février de lâannée suivante). En novembre 2000, c'est la sortie de lâalbum "Gratte Poil" qui verra ses 200 000 ventes récompensées par un disque de platine. Lâalbum est enregistré en studio, en prise directe avec une belle brochette d'invités : Yann Tiersen au violon sur Le Cabaret des nues (qui invitera à son tour Têtes Raides à participer au disque Lâabsente enregistré pendant la même période), Jean Corti au bandonéon dans Gratte Poil, pour laquelle il écrit la musique, et Noir Desir dans Lâiditenté, dédiée à la lutte des sans-papiers et contre les exclusions sociales. Les textes sont signés par Christian Olivier à exception de Ennemis, du poète belge Norge (1898-1990).
Une longue tournée pour promouvoir ce nouveau disque commence en janvier 2001, et Têtes Raides se produira dans trois endroits différents de Paris : La Cigale, le Bataclan et le Palais des Sports devant 5000 personnes, pour continuer ensuite dans le reste de la France et dans les festivals (Printemps de Bourges, Fête de la Musique de Paris, Vieilles charrues en Bretagne, Fourvière à Lyon), jusquâen décembre 2001. Le 30 avril 2002,
en réaction à la victoire au premier tour des élections
présidentielles du candidat dâextrême droite Jean-Marie
Le Pen, Têtes Raides, Yann Tiersen et Noir Desir (entre-autres)
se produisent sur une place de Lyon devant plus de 7000 personnes pour
un concert gratuit dénonçant la dangereuse dérive
politique du pays. Entre le 5 juillet
et le 3 août de la même année, Têtes Raides réalise
un de ses rêves : sâinstaller dans le mythique théâtre
parisien des Bouffes du Nord (du metteur en scène Peter Brook)
pour un mois de concerts, de théâtre, de danse, de poésie
et d'animations, avec de nombreux invités comme Jean Corti, Rachid
Taha, Yann Tiersen, Mano Solo, Christine Ott, Lombric, etc. Pendant ces concerts Têtes Raides donne à entendre pour la première fois certaines chansons du nouveau disque "Quâest-ce quâon sâfait chier !" qui sortira le 16 septembre de lâannée suivante, en 2003. Lâalbum est présenté durant une nouvelle série de concerts du 16/09 au 04/10 dans ce même théâtre.
C'est le huitième album studio ; les différents styles de musique qui ont accompagné Têtes Raides pendant 20 ans sây mélangent : rock, ska, tango, chanson dâauteur, danses tziganes, fanfares de lâest, collages surréalistes, mais lâalbum a dans l'ensemble une empreinte rock et marque le début dâune nouvelle phase créative. Parmi les collaborations proposées dans ce disque, on note celles de Christine Ott, Hakim Hamadouche et Yann Tiersen. Certains vers pris chez le poète surréaliste Philippe Soupault (1897-1990) sont récités dans la chanson Soupault : Georgia, épitaphes et chansons, tandis que dans Pitance, la voix du metteur en scène français Antonin Artaud est extraite de lâœuvre radiophonique Pour en finir avec le jugement de Dieu transmise par Radio France en 1999 après une longue censure de quarante et un ans. Le 15 décembre
2003, Têtes Raides, sur invitation de quelques organisations militantes
donne vie, dans la Salle Tony Garnier de Lyon, à lâAvis de
KO social, affiche politico-musicale contre "les réformes
révolutionnaires" du gouvernement et comme le cite lâappel
lancé sur la scène: LâAvis de KO social prend la forme de concerts et de manifestations nombreuses durant lesquelles Têtes Raides se produit avec Yann Tiersen, Bénabar, Sergent Garcia, Les Fabulous Trobadors, Rachid Taha et dâautres musiciens et groupes français. Après Lyon, lâAvis de KO social touche dâautres villes: en mars Paris, en avril le festival du Printemps de Bourges puis Marseille, Lille, Montpellier et Bordeaux, en recueillant lâadhésion de nombreux mouvements politiques, syndicaux, sociaux et artistiques. Parallèlement à ce projet, Têtes Raides organise en février un mois de spectacle au Bataclan, spectacles au cours desquels sâalterneront chaque soir des artistes différents, parmi lesquels : Mano Solo, Loïc Lantoine, Thomas Fersen, Serge Teyssot-Gay, Yann Tiersen, Rachid Taha, Jean Corti, Daniel Colin… Les concerts du lundi sont dédiés aux thèmes politico-sociaux : Liberté de circulation !, On a faim !, A lâattaque !, et les gains des spectacles comme des ventes des cd live de ces 3 concerts sont destinés aux associations qui participent à lâévènement : GISTI, Act Up, Coordination Nationale des Sans-Papiers, Ligue des droits de lâHomme, Greenpeace, Coordination des intermittents et précaires dâIle-de-France, Observatoire international des prisons, etc. Le groupe continue sa tournée dans toute la France jusquâen août. En avril, le groupe est invité au Festival du Printemps de Bourges et en septembre à la Fête de lâHumanité, mais continue aussi à se produire dans les cafés et les théâtres. C'est le 8 novembre 2004 que lâalbum live 28.05.04, enregistré pendant un concert à la Halle de La Trocadière à Rezé sort dans les bacs. Il y a un morceau inédit dans lâalbum : Artichaud, et une cover de Renaud : Hexagone.
En 2005, le groupe participe à lâalbum de duos du label Tôt ou Tard ; le 7 novembre de la même année ils sortent, après six mois de travail, lâalbum "Fragile" qui marque aussi la fin de la collaboration avec le label Tôt ou Tard. La sortie du disque est précédée par une tournée en France dans les salles de concerts, dans les festivals (Paroles et Musiques de St-Etienne, Solidays, Printemps de Bourges, etc.), dans les théâtres (Elysée Montmartre, etc.) et à lâétranger : en Hongrie (Festival Sziget à Budapest), en Russie, aux Pays-Bas, en Angleterre et au Liban (à Beyrouth, d'où le concert sera en partie retransmis sur France Inter). Durant la même année, Christian Olivier lit Samuel Beckett avec la danseuse italienne Barbara Manzetti (5 février 2005 à La Clef à Saint Germain, 28 février 2005 aux Bouffes du Nord, etc.)
Au Bataclan, Têtes Raides prend part le 16 juin à soirée de soutien à lâAssociation des Médecins Urgentistes à laquelle participeront aussi Mano Solo, Benabar, Loïc Lantoine, Patrice Caratini et Jean Corti. Le nouvel album Fragile, co-réalisé par Denis Barthe, batteur de Noir Desir, marque le retour de Têtes Raides aux sonorités électriques et au punk-rock des débuts, mâtiné de reggae, de ska et de fanfare; pour la première fois lâaccordéon de Christian Olivier est tout à fait absent. Les invités y sont nombreux: le groupe mythique de punk hollandais The Ex, dans De Kracht, le contrebassiste François Pierron, Christine Ott (aux Ondes Martenot), Jasmine Vegas, Rachid Taha, Romain Humeau, Didier Vampas et Sara Mandiano. Le groupe met également en musique deux poésies : Je voudrais pas crever de Boris Vian et Chanson pour pieds de Joyce Mansour. A noter aussi, le titre Fragile dont le clip, qui montre des scènes d'accouchement, sera censuré à la télévision. A partir du mois de novembre, le groupe commence sa tournée terminera seulement en novembre de l'année suivante. Entre le 13 et le 20 mai 2006, Têtes Raides est l'invité dâhonneur de la 15ème édition de la Fête des Paroles et Musiques de St-Etienne, durant laquelle des concerts dans les théâtres et les bars, des lectures (Christian Oliver lit Beckett), des expositions (les œuvres des Chats sont montrées au centre Boris Vian) et des spectacles de nombreux autres artistes sont proposés. A lâoccasion du festival, Têtes Raides participe à la réalisation du livre-cd Puzzle (publié le 13 mai 2006), avec des textes de détenus transposés en images par des dessinateurs ou des photographes et mis en musique par des groupes et des chanteurs comme Loïc Lantoine, Eis, Xavier Michel, Monsieur Bidon, Voe, les Joyeux Urbains, Alison B, La petite cuisine, SSSShhhh et Têtes Raides. En mai 2006, la compilation
"Aïe" sort dans les bacs.
En 2007, à la fin de la tournée "Fragile", Jean-Luc Millot quitte Têtes raides et reforme son ancien groupe "Les parasites". Il est remplacé à la batterie par Caroline Geryl. Vingt ans après
leurs premiers pas discographiques, Têtes Raides reviennent avec
un nouvel album "Banco", synthèse magique
de leur art unique. Ce dixième album studio alterne brûlots
politico-poétiques tels lâemblématique "Expulsez-moi",
hymnes à la nuit, poésies à la veine surréaliste,
et chansons dâamour, sur un fond musical toujours renouvelé,
où lâaccordéon retrouve sa place, au milieu dâun
attirail électro-acoustique bariolé. On y croise Olivia
Ruiz le temps dâun featuring sur le burlesque "Plus haut".
Lâalbum comprend en outre un véritable morceau de bravoure
de 20 minutes, avec une interprétation passionnée de la
poésie de Stig Dagerman "Notre besoin de consolation est impossible
à rassasier" par Christian Olivier et Têtes Raides.
Le nouvel album des Têtes raides ne se situe pas exactement aux antipodes de lâagitation ambiante, paillettes par containers et autres engouements simulés proches de lâhystérie : mieux encore, il en constitue le parfait antidote, que lâon écoute quotidiennement énormément de musique (pas de rythmes métronomiques ici, mais en lieu et place - et dès lâouverture, grâce à la chanson-titre - la chaleur des instruments acoustiques, et cette voix qui force le respect, puis lâattention, par son originalité), ou que lâon vive, tout simplement, dans une époque qui va décidément trop fort, et trop vite. Non pas que le groupe de Christian Olivier ait oublié là dâoù il venait (le cabaret punk) : "So Free", en duo anglophone avec le presque falsetto Martyn Jacques (chanteur des Tiger Lillies), le très immédiat "Jâmâen fous", aux riffs jubilatoires en écho de ces insouciantes années soixante où tout semblait permis, et naturellement un "Angata", en déhanchement sensuel et sarcastique tout à la fois, ourlé de lâenfance malienne du chanteur, restent garants de la faculté des six garçons et dâAnne Gaëlle Bisquay (violon et violoncelle) à envoyer le bois dâune très salutaire explosion (de colère ou de joie, au choix). Mais il est évident que la saveur des Têtes Raides (ses animaux fantaisistes, ses ambiances fantomatiques, ses harmonies farouches) développe tout son suc dans lâécho de ce "Flamenco de Paris" dont Léo Ferré posa les jalons ("Fulgurance") et dans lâattirail dâun cabaret rock qui nâomet nulle nuance ("Marteau piqueur"). Sâil faut extraire quelques pépites de la sélection des treize chansons, on pourra naturellement sâarrêter sur "Emma", qui permet à Jeanne Moreau de renouer, en fière octogénaire, avec la chanson voire sur un combatif et abrupt "Je voudrais" conclusif, à consommer comme un talking blues et panorama en travelling de la nécessité de la révolte permanente. Mais on pourra également attribuer le statut de modeste trésor à "Gérard", portrait dâun mécanicien poète, enluminé dâun orgue zinzinant et évocation dâun personnage surgi dâune galerie à la Tati ou à la Prévert, qui peut laisser penser que le peuple est toujours debout. Alors, voilà : quâest-ce qui fait que "LâAn Demain" sâimpose déjà comme lâun des albums de lâannée ? Un sentiment diffus, une originalité tranchée, la poésie biaisée qui se régénère dans son approche subtile de la réalité et le sentiment parfaitement net de jouir des créations dâun groupe au service des chansons et non le contraire ? Sans nul doute un peu de tout cela, avec en prime la certitude que le dégraissage patent de lâapproche, parfois trop théâtrale, que purent avoir les Têtes Raides de leurs partitions et interprétations, promet des jours, qui, sinon chantent, du moins résonnent dâintelligence, de subtilité et dâhumanisme. Et câest déjà largement suffisant pour leur exprimer cette gratitude.
Têtes Raides a toujours été proche de la parole, du verbe, de l'écrit, de la littérature. Ses chansons possèdent un fort pouvoir d'expression, de description, avec des textes à la dimension visuelle forte. Voir le groupe mettre en musique des poètes n'est en fait qu'une demi-surprise. "Corps de Mots" est le prolongement naturel du spectacle du même nom donné par Têtes Raides au théâtre des Bouffes du Nord à Paris du 6 au 15 décembre 2012. C'est devant une salle à chaque fois comble que le groupe a pu roder son répertoire. Une ambiance de performance qui se retrouve sur le DVD qui accompagne l'album. Un "digibook" (livret numérique) reprend l'ensemble des textes et une présentation des auteurs, permettant de se plonger totalement dans un concept dense. Absent du CD car déjà présent sur Fragile en 2005, "Je voudrais pas crever" de Boris Vian nous prive de l'étrangeté de ces "chiens noirs du Mexique, qui dorment sans rêver". C'est dans la veine réaliste faubourienne qui lui est chère que Têtes Raides balance "Le Condamné à mort" de Jean Genet. "On ne quitte pas son ami" de Robert Desnos est rythmé par un piano d'arrière salle de bar. Le surréaliste Antonin Artaud a droit à un traitement tout en bruitages et en cacophonie pour "Avec moi dieu le chien", pendant parfait d'un texte largement expérimental. Têtes Raides recase du Têtes Raides avec son inoubliable "Ginette" qui clôturait les spectacles au grand étonnement d'une partie du public. Car Têtes Raides aime bien surprendre et ne se prive pas de caser au beau milieu de Rimbaud, Lautréamont, et Apollinaire un "Love Me Tender" d'Elvis Presley, complètement anachronique. Décidément, ces rockers ne sont toujours pas sérieux malgré leur amour de la langue châtiée.
Avec la sortie de ce treizième album "Les Terriens", le groupe Têtes Raides fête ses trente années de présence dans le paysage musical français. Trois décennies marquées par un cheminement entre chanson des faubourgs et rock urbain, trente ans d'activisme, d'engagement et d'indépendance résistant à toutes les épreuves. Sans étonnement, le paquet colis livré par la troupe pour cet anniversaire n'est pas garni de mirlitons, ni de serpentins ou de confettis mais de douze nouvelles chansons réalistes allant de l'intime à l'universel. Noyée dans un océan d'électricité signalant l'aspect le plus brut de la bande, la valse lente "Oublie-moi", jouée en trio piano, contrebasse et balais, contraste avec les décharges blues rock "Les Terriens" ou "La Tâche", la plus politique du lot dénonçant le retour de la peste brune. Pour le reste, la priorité est donnée aux guitares, grinçant et couinant de belle manière sur "Alice" (partie pour de bon), vociférant sur le tranchant "Moderato" ou twistant dans "L'au-delà". Accouplées à l'accordéon sur "Le Rendez-vous" précédant la nuit d'adieu, elles relèvent la plume un peu usée par le temps de Christian Olivier, dont l'accent anglais n'est pas le fort sur l'enroué "Bird". Un ange passe et une certaine lassitude se fait sentir sur ce qui n'est pas le recueil le plus inspiré (pour cela, se reporter au franc Qu'est-ce qu'on se fait chier ! ou à Fragile). En trente ans de bons et loyaux sévices, Têtes Raides a beaucoup donné et continue de montrer les dents sur quelques accords acérés et une suite de vers véhéments qu'une nouvelle génération peut s'emparer. Au bout de trente ans, il est aussi normal et sain de constater la force de l'habitude d'une longue fréquentation.
Site Officiel : http://www.tetesraides.fr/
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